UTMB : Croire en ses rêves !

  


28 août 2021 – Chamonix – 4h du matin.
Je viens de passer la ligne d’arrivée de la CCC, la "petite" sœur de l’UTMB qui fait le demi-tour du Mont Blanc, tout s’est incroyablement bien passé avec moins de 19h pour faire les 100km et environ 6000D+. Alors peut-être… 

 

26 janvier 2022 – Ticket gagnant.

Je regarde mon téléphone à deux fois pour être sûr, mais c’est bien écrit, « tirage au sort positif ». J’ai mon ticket pour le "Graal", pour la course qui me fait rêver comme tant d’autres depuis longtemps. L’UTMB n’est pas le plus dur ni le plus long des trails mais c’est sans doute le plus prestigieux, de par son tracé qui fait le tour du Mont Blanc, de par l’ambiance incroyable qui règne à Chamonix et sur les sentiers cette semaine-là, et parce que les meilleurs trailers du monde sont présents quasiment chaque année. Yes ! Ce midi là, ça méritait bien (d’essayer) d’écrire UTMB en courant sur le stade…

 


Mes débuts en trail

L’histoire commence pour moi il y a une dizaine d’années, je découvre que des gens courent 160 kilomètres dans les montagnes, à Chamonix ou à La Réunion, dont 10km de dénivelé positif et autant à descendre. Ça me fait immédiatement rêver mais me dépasse totalement, ce n’est pas pour moi, comment font ces gens? A ce moment-là, j’ai fini mon premier marathon, 2 ans après m’être mis sérieusement au "footing", pardon au "running", et c’est le bitume qui compte, avec l’objectif d’approcher les 3h sur les 42km. Fin 2013, je me laisse quand même entrainer dans les Vosges par les collègues, pour le BelforTrail, ma 1ère course en montagne. 54km, 2700D+, sous des trombes d’eau quasiment tout du long, et avec le Ballon d’Alsace dans le brouillard. « Ouais c’est sympa votre truc les gars … ». En vrai, j’ai quand même aimé…

Des courses nature suivront, notamment l’écotrail de Paris en 2015, mon 1er 80km, un souvenir très fort.  Mais ce n’est qu’en 2017 que je reporterai un dossard en montagne, lors de la Marathon Race d’Annecy (42km, 2400D+). A part pour le parcours, magnifique, ce n’est pas un super souvenir. Parti à 14km/h bien trop vite, négligeant la recharge d’eau et me retrouvant à sec entre deux ravitos et sous le cagnard ; un plan de course calé avec du 10km/h en descente, bah oui ça descend donc c’est facile, ah ah ah quel rigolo le parisien !… Bref j’ai beaucoup à apprendre.

Mais à partir de là, je commence à m’intéresser très sérieusement à la discipline. D’Haene, Thévenard, Pommeret, Chaverot, Jornet, Walmsley, deviennent des noms très familiers, et je commence à passer un temps "certain" sur Youtube à regarder des mecs courir dans la montagne (Vincent Gaudin si tu lis ces lignes …), et je me bâfre littéralement des vidéos de départ et d’arrivée des éditions de l’UTMB, à vibrer au son de Vangelis et de la voix de Ludo Collet.


Chamonix ça se mérite

En 2017, j’ai candidaté pour l’OCC, la "petite" course de l’événement UTMB, qui fait le tiers du tour du Mont Blanc. Recalé. Nouvel essai en 2018, ok.

Je candidate pour la CCC en 2019, recalé. Nouvel essai en 2020, ok … mais covid, course annulée, et donc report sur 2021.

Et être chanceux ne suffit pas, il faut finir des courses "qualifiantes" pour marquer des points et s’inscrire au tirage. Les années passant, début 2021, j’ai décidé de caler un plan "au cas où". Il consistait à finir en juillet une course pyrénéenne dans le Val d’Aran, la PDA (55km, 3000D+) car elle est affiliée "by UTMB" et offre 9 "running stones", c’est-à-dire 9 chances de plus pour un éventuel tirage au sort pour l’UTMB à Chamonix. Puis courir mon 1er 100km à la CCC fin août, une fin en soi à ce moment-là, puis un second 100km à Ibiza en novembre pour compléter les points nécessaires. Et "au cas où" tout cela se passerait bien, s’autoriser à penser que peut-être, sur un malentendu, je me poserais la question de tenter le "graal"… Et tout s’est bien passé :).

 


10 juillet 2022 – Répétition 

Je suis dans la descente de la Flégère, la dernière du parcours de l’UTMB. Je mets Conquest of Paradise sur mon mobile. Je me dis que je vais le faire, que je vais repasser là dans 7 semaines, qu’il le faut…. J’en ai la chair de poule.

J’en termine avec le repérage du tracé complet, fait sur 4 jours avec mes 9 camarades du stage 5ème élément. Un peu patraque les deux premiers jours, je finis en revanche en pleine forme. On aura mis 41h22 en tout, pauses "bars de montagne" incluses, et elles furent nombreuses, mais on dormait la nuit bien sûr. Ça laisse quand même de la marge versus les 46h30 autorisées pour finir la course. Les barrières horaires sont plutôt plus rudes qu'ailleurs sur l’UTMB, en particulier sur la 1ère grosse moitié du parcours. Habituellement, je n'ai pas ce type de soucis, mais 170km c’est quand même 70% de plus que tout ce que j’ai fait jusque-là. La part d’inconnue est grande, ne serait-ce que passer 2 nuits consécutives sans dormir... Comprendre à temps quand son corps dit "faim, soif, froid, chaud", profiter des moments où tout va bien mais sans s’emballer car tu vas le regretter dans une heure, faire face mentalement aux inévitables (gros) coups de mou et autres imprévus. J'ai beaucoup progressé sur tout ça mais c'est jamais acquis.

Repérer le parcours avant le jour J est pour moi d’une aide essentielle, ça fait une inconnue de moins, ça permet de savoir ce qui t’attend à chaque instant, de se projeter mentalement, de savoir où trouver de l'eau entre deux ravitos si besoin, ... Bref ça me semble important. Ça permet aussi d’apprécier 100% de jour la beauté des paysages, et ce n’est pas peu dire qu’ils sont beaux. Le tracé évolue entre 1000 et 2500m d’altitude mais il y a en permanence encore 2000m de montagne à admirer au-dessus, et il n'y a ça qu'ici. Le col de la Seigne et le lac Combal au petit matin, le balcon côté italien entre Bertone et Arnouvaz, la descente roulante du col Ferret vers la Suisse, la Tête aux Vents de retour en France, tout est magnifique, avec le Mont Blanc, les Grandes Jorasses, les différents glaciers en points de vue. Ainsi, les photos sont aussi prises d’avance, surtout qu’une fois en course je suis tellement dans ma bulle, concentré sur mes pas et mon corps, que je me surprends souvent à ne regarder que mes pieds. « Ah bon y’avait le Mont Blanc ? pas vu… ».  


Lison dans la montée du col du Bonhomme

Vers Praz de fort, avec Thomas, Nico, Vincent

Catogne - Séb suivi par Jean-Daniel

 

23 juillet 2022 – S’entraîner comment?

Fin du dernier bloc d’entraînement. Je suis à Grenoble avec Sophie, nous avons fait ensemble les deux premières étapes de l’UT4M.  40 km le jeudi dans le Vercors et 50 km prévus le vendredi dans le Taillefer mais finalement ramenés à 25 à cause de la canicule. J’ai fait la 2ème étape à fond, pour le plaisir de jouer le classement et pour compenser les km en moins.

Maintenant, direction le Mexique en famille, vacances et repos, un mois avant, oui, c’est tôt mais bon, le Yucatan c’est plat, chaud et humide, donc bof pour s'entraîner, et se reposer est bien plus important. Je veux arriver à Chamonix sans aucune dette de sommeil et là j’en ai. Le test est simple : après le déjeuner, si je m’allonge, je ne veux plus réussir à m’endormir.

Je ne savais pas trop comment m’entraîner pour l’UTMB, les plans sur le web ne me convenaient pas, alors j’ai improvisé. Un peu de vitesse en côte, du fond en courant en forêt vallonnée, mais rarement au-delà de 2h, des séances de hamster sur une boucle de 800m/70D+, faite 14 fois en montant en marchant avec les bâtons puis descendu en courant, pour réussir à faire 1000D+ sans montagnes. Et puis 3 week-ends blocs "in situ" à Annecy, Chamonix et Grenoble en juin et juillet. Pas de sortie de type 80 ou 100 km, j'aurais pu mais j'ai choisi de rester "facile". Après 40km en allure trail long, je récupère très vite, pas de courbatures le lendemain, alors que 80 ça tape un peu dans le bonhomme.

Finalement, à fin juillet j’ai couru environ 1600 km depuis janvier, avec 40 km de D+ "seulement"..., plus environ 1100 km de vélo. Je n’ai pas vraiment d’avis si c’est trop peu ou pas pour aborder un 170 en mode "juste finir", mais c’est ainsi.


Avec Sophie au pic Saint Michel (UT4M Vercors)


26 août 2022 – Être au départ est déjà une victoire.

On y’est. Je dis "on" car on est 11. Mes parents, ma belle-mère, ma sœur, mon beau-frère, mes neveux, Sylvie, Benjamin et Clémentine sont tous là, bien décidés à le faire aussi ce tour du Mont Blanc. Les avoir avec moi est une vraie chance, une raison de plus d’aller au bout. Arrivés à Chamonix le mercredi, la fièvre est montée instantanément : applaudir les finishers de la TDS, visiter le village trail avec tous les exposants, récupérer mon dossard et les bracelets UTMB Bus pour mes 10 suiveurs, plus une balise GPS pour leur offrir ce petit luxe de savoir exactement où j’en suis, monter à l’Aiguille du midi pour l’acclimatation à l’altitude, ah ah non, juste parce que c’est beau ; et même envoyer une partie de la troupe voir "La tragédie du dossard 512", le très sur-mesure one man show de Yohann Metay, dans lequel il raconte son propre UTMB, spectacle très drôle que j’ai vu il y a quelques années à Paris et qui n’a pas son pareil pour mettre des non-initiés à l’esprit trail… Ainsi, vendredi matin, tout le monde sait à quoi s’attendre, moi a priori, et toute la troupe, Yohann leur ayant expliqué mieux que moi ;).

Vendredi c’est long… « Quand c’est qu’on y va chef ?…». Pas trop réussi à faire la sieste, c’est bon signe, c’est que je ne suis pas fatigué ;).

17h55, je suis à l’arrière du troupeau de 2600 coureurs du monde entier, Vangelis démarre. Je ferme les yeux. J’ai rêvé cet instant 200 fois, vraiment. Et bah je ne suis pas aussi envahi par l’émotion que prévu, j’ai dû le répéter trop de fois :). L’instant est fort mais les larmes ne viennent pas, j’avais parié le contraire. Goooo !



Je pourrais passer des heures à parler des quarante et une qui ont suivi et qui, paradoxalement, sont passées assez vite…


Une belle 1ère nuit

Jusqu’à Notre Dame de la Gorge au km 35, l’ambiance est fabuleuse. Il y a des spectateurs quasiment partout, même dans les sentiers. Le flot de coureurs est continu, avec quelques bouchons par endroits mais rien de trop gênant, et au moins ça évite de s’emballer. Je profite, tout en étant concentré sur mes premières sensations, notamment mon pied droit qui m’a un peu soucié depuis quelques jours… mais plus j’avance et moins je le sens, alors je finirai par l’oublier. Je prends une soupe de vermicelle au ravito de St Gervais, un Yop à celui des Contamines, je dis bonne nuit à la famille et je m'enfonce dans le noir de la montée vers le col du Bonhomme.

Le défilé silencieux des frontales sous le ciel étoilé, presque religieux, tranche avec l’effervescence du départ. Ça ne parle pas, tout le monde avance pas à pas à la queue leu leu. Au sommet à la Croix du Bonhomme, un hélicoptère vient troubler la quiétude de l’instant, personne n’aime cela, on sait ce que cela veut dire. Je saurai plus tard que c’est l’un de mes camarades du repérage de Juillet qui est évacué suite à des douleurs thoraciques, heureusement rien de grave au final. Au ravitaillement des Chapieux, vers 3h du matin, je tombe par hasard sur Brice, un ancien collègue de SFR ! Toi ici ! Du coup, on se prend un café ;) et on repart en discutant vers le col de la Seigne, qui marque la frontière avec l’Italie. Le peloton est désormais un petit peu plus étiré… 

Passé le col, le tracé normal du tour du Mont Blanc descend directement sur le Lac Combal par un sympathique "single" roulant comme on les aime, mais l’UTMB propose lui de s’approcher des Pyramides Calcaires. J’imagine le mec qui a eu cette idée expliquer « qu’on a fait un détour parce que c’est joli » :). Mouais… C’est de la caillasse à la montée et à la descente, ça glisse… et on les voyait bien du bas ces pyramides. Bref le gars est sans doute un peu sadique… 

Le soleil se lève sur le lac Combal et les montagnes, et c’est splendide. 7h20, km 68, j’envoie un sms à Sylvie « Nuit bien passée, tout va bien ». La troupe est déjà en route pour Courmayeur via le tunnel du Mont Blanc. Kilian est à La Fouly, 44km devant moi. 


Col de Vosa

Descente vers Courmayeur


L'alimentation, toujours l'alimentation. 

C’est là que je vais rater un truc, du moins je le pense a posteriori. Champion ou amateur, l'alimentation est quasiment toujours la cause des défaillances. S'alimenter et boire un peu toutes les 20 minutes, c'est ce que disent les livres. Pour moi ça ne marche pas, mon estomac ne supporte pas d'être actif en permanence. Je privilégie de manger plus, un peu moins souvent, au plus proche des heures de repas habituels : matin, midi, goûter, soir, et la nuit je n'ai pas trop de repère. Entre deux, je bois, poudre énergisante dans ma flasque droite, eau claire dans la gauche, et je complète ou pas, selon mon ressenti de l'instant, avec des bouts d’orange, une barre, ... Cette nuit-là, je n’ai pas assez mangé après les Contamines. En arrivant au Col de la Seigne un peu avant 6h, ma tête a tourné un peu, hypoglycémie. Problème aussi vite réglé via deux barres de céréales. Au Lac Combal, j’étais très bien mais je n’ai pas pris grand-chose, préférant attendre le "gros" ravitaillement de Courmayeur pour le "gros" repas du matin. C’était une erreur. Il reste trop de chemin pour Courmayeur que je n’atteindrai qu’à presque 10h. Je le sais pourtant mais moment de déconcentration. A 9h au ravito intermédiaire de Maison Vieille, j'ai besoin de manger mais plus trop d’envie, l’estomac est sur la mauvaise pente. Je prends quand même des pâtes qui passent sans plus.

A la base vie de Courmayeur, je retrouve la famille et Sylvie m’assiste. Chips, petit sandwich sans envie, et un nouveau Yop. Je me sens moyen, il y a un monde fou dans le gymnase, dur de trouver une place, c’est très bruyant, je m’emmêle un peu dans mes affaires de rechange, je tente une micro sieste de 10’ sans réel besoin et sans succès, bref je me trouve inefficace, je m’agace intérieurement, à tort.


Foutu esprit de compétition...

Je m'agace aussi, toujours à tort, d’être arrivé à Courmayeur un peu en retard sur ma prévision pourtant assez large. Ceci pointe selon moi un autre facteur de succès pour finir un ultra trail, ne pas faire de plan détaillé, ça ne sert à rien et c’est prendre le risque de se croire en échec alors que pas du tout. Se contenter d’une projection à + ou – 2h sur l’ensemble du parcours, pour savoir dans quoi on s'engage, est bien suffisant. Je le sais. L'absence de plan m'a toujours réussi, à la CCC par exemple, et vice versa. Mais cette fois j’ai quand même projeté des temps intermédiaires pour aider la famille à me suivre, j'ai fait en sorte de ne pas m'en souvenir, mais j’avais quand même retenu malgré moi l’heure de passage à Courmayeur. Ça peut sembler anecdotique mais c'est un fait de course car même en me répétant « tu t'en fous tu t'en fous tu t'en fous », ça m’a pollué, du genre « et pourquoi t’es parti derrière?, t’as pas su éviter les bouchons, t’as été ralenti par l’allure du peloton, … ». Foutu esprit de compét... alors que le seul but est de finir. Un peu avant Courmayeur, j’ai envoyé un autre SMS à Sylvie : « Ne rien me dire sur classement ou avance/retard sur prévisions. J’avance à mon rythme et on verra ». Sur la suite, je vais réussir à m’en tenir à cette assertion, sans doute aussi parce que je vais traverser un moment plus compliqué qui me fera oublier ce détail de la demi-heure de retard à Courmayeur.


C’est donc avec cet état d’esprit et d’estomac moyen que je repars de Courmayeur pour attaquer le magnifique versant italien du Mont Blanc.  


Base vie de Courmayeur


Le pic du Mal

Il reste 90 kilomètres, c'est la partie que je connais le mieux car c’est la 4ème fois que je m’y attaque en un an. La nuit a été douce mais il fait chaud maintenant et le parcours n’est pas abrité. Je n’aime pas la chaleur, je préfère grandement le froid, même si je me suis amélioré avec les canicules de cette année. A Bertone, un bénévole nous recommande fortement du sel, j’en prends un peu, et dans ma flasque droite, j’ai déjà remplacé ma poudre "énergie" par des comprimés électrolytes qui favorisent l’hydratation. Et puis dès que possible, je m’asperge d’eau, tête et casquette. 

Pendant les 4 heures qui suivent, je vais gagner environ 150 places et, paradoxalement, faire l’ascension du "pic du Mal". Le pic du Mal n’existe sur aucune carte, ne le cherchez pas ! On est pourtant nombreux à l’atteindre à un moment ou à un autre, c’est cet instant délicieux où des « ça va être compliqué… » ou pire des « qu’est-ce que je fous là ? » vous viennent en tête. Mon pic du Mal fût à Arnouvaz, juste avant l’ascension du Grand Col Ferret qui marque l’entrée en Suisse. Plus envie de manger du tout, plus de jus. La famille m’attend à La Fouly de l’autre côté du col. J'envoie un SMS à Sylvie : « Ça va pas fort. Ai dû mal à manger. Je me pose 10’ ». Après cette pause allongée dans l’herbe, ça ne va pas mieux. Je repars néanmoins attaquer l’ascension, très lentement… 

J’en suis à 100 km, l’entrée dans l’inconnu, je gamberge sévère… Il n’est pas question d’arrêter mais je me demande comment ça va finir si « ça revient pas ». Puis dans un instant de lucidité, de retour en  niaque, je me force enfin à manger les deux compotes que j’aies sur moi et à repenser positivement. « Eh, rien ne t’arrêtera tant qu’il n’y aura pas un fermeur dans ton dos, et ils sont loin derrière! ».

En trail  on dit que ça revient (presque) toujours, et cette fois encore c’est vrai. Au fil de l’ascension du Col Ferret, je sens que petit à petit ça va mieux, mes pas reprennent un peu de rythme et quand j’arrive en haut à presque 17h, 2h après mon pic du mal, tout va bien à nouveau. Et c'est cool car j’adore courir dans la descente vers La Fouly, c’est beau, c'est "roulant", c’est très agréable, j’eus été très frustré d’y marcher. Je me ré amuse et je double beaucoup de monde. 


Le "Pic du Mal" à Arnouvaz

Col Ferret, ça va mieux ;)


Quand on repart de Champex, ça sent bon!

A La Fouly au km 113, retrouvailles avec la famille. On ne se quittera (presque) plus, ils seront là à chaque ravitaillement jusqu’à l’arrivée. Je repars avec Willan et Benjamin sur un petit bout de chemin. Je cours, ça va. Je continue de doubler beaucoup de monde. Et puis nouvelle hypoglycémie, pfff… Je m’arrête net et m’enfile deux barres de céréales et patiente un peu que ça passe. Pas mal de coureurs me repassent, je me sens un peu bête assis là sur mon caillou avec ma gestion à deux balles de mon alimentation. Je n’ai pas assez mangé à La Fouly, j’attendais Champex, l’heure du dîner ;)… « Bon Marc ça fait deux fois!… ». Bref, ça passe vite et je repars mais j’en ai pris un petit coup à ma niaque, je rattrape deux français qui courent ensemble et reste avec eux pour discuter. En clair, je ralentis. C’est aussi à ce moment qu’une douleur apparaît sur l’intérieur de mon genou gauche. Je monte vers Champex à la tombée de la nuit. Ça va mais je suis un peu las, c’est la 1ère chose que je dis à mon père qui m’attend 100m avant le ravito, « j’en ai marre ».

Champex est la seconde grosse base vie du parcours après Courmayeur. L’ambiance y est top, le speaker est sympa, encourage, donne plein d’infos sur la course. C’est très chaleureux. Benjamin m’assiste, je ne bouge pas de mon banc, il va me chercher à manger et à boire, remplit mes flasques. J’ingurgite mon 3ème Yop! Oui, encore un, c'est ma boisson "plaisir", il en faut une sur du très long :). C'est le bon moment pour un petit dodo, je demande à Benjamin de me réveiller dans 20 minutes. Je pense m’être assoupi environ 10’ quand il vient me chuchoter « Papa … ». Ce sera mon seul sommeil de la course mais ça m’a sûrement fait du bien. Sylvie prend la suite pour un rapide massage des jambes, nettoyage des pieds, changement de t-shirt et de chaussettes, et je repars. 1h05 de pause, c’est plus que les 46’ de Courmayeur mais là au moins j’ai la sensation que c’était efficace. Le speaker l’a dit, ceux qui repartent de Champex terminent presque tout le temps. Dans ma tête, je n’ai plus de doutes, il reste 45 km et 3 grosses bosses d’environ 700D+ chacune que je connais parfaitement, ça va le faire. Je repars en marchant, avec ma sœur qui me suivra sur environ 2 km.


Champex - 20' de sieste


Une seconde nuit très sereine

Dans la montée de La Giète, comme dans celle des Tseppes après Trient, de petits groupes se forment naturellement, comme pour ne pas être seul, mais chacun est dans sa bulle, un pas après l’autre, ça double peu, ça cause très peu. Moi je me mets plutôt à l’arrière du groupe, à quelques mètres, pour être avec eux et un peu isolé à la fois. Dans la descente vers Trient, mon genou devient un problème, les chocs et les flexions sont assez douloureuses désormais. Je décide de ne pas courir cette descente ni la suivante vers Vallorcine. C’est long et frustrant de marcher mais c’est plus sage. J’avance, c’est tout. Mais je suis totalement serein, je vais finir et seul cela compte, je ne ressens pas le sommeil, cette seconde nuit est impeccable. Ma mère m’assiste à Trient, où je me fais aussi strappé le genou. Puis Clémentine m’assiste à Vallorcine. Je mange bien aux 2 ravitos, encore du Yop, du café, des biscuits. 


Passage infirmerie à Trient

Maman m'assiste à Trient

Avec Clém à Vallorcine


Profiter, profiter, profiter

Le jour se lève quand je repars de Vallorcine pour la dernière étape. Changement de stratégie, je sors du mode machine, je ré accélère pour le plaisir, courir autant que possible et tant pis si je finis de flinguer mon genou. Je monte le plus vite que je peux à la Tête aux Vents, je re double pas mal de monde. La partie technique pleine de caillasse qui suit pour rejoindre la Flégère est horrible pour mon genou, la douleur est très vive. J’utilise mes bâtons comme je peux pour compenser les chocs ou prendre appui et faire avancer ma jambe gauche sans la plier mais ça ne suffit vraiment pas. Je passe à la Flégère sans m’arrêter et j’attaque en courant sur une jambe et demie la dernière descente. Nous y revoilà 7 semaines après le repérage. Je regarde ma montre, je veux essayer d’arriver avant les 41h, il reste 1h25, et je me souviens que j’ai mis moins d’une heure l’an dernier sur la CCC mais avec deux jambes. A nouveau je double, surtout quand c’est un peu roulant et que mon genou passe mieux. Et paf d’un coup énorme douleur à un orteil du pied droit, aucun doute c’est une ampoule, à 3 ou 4 km de l’arrivée… Je continue quand même mais non ce n’est pas possible ça fait trop mal, ça gâche tout, je ne suis plus que sur deux demis jambes. Je stoppe, j’enlève la chaussure, la chaussette, je sors une aiguille, je perce l’ampoule, énorme. Les coureurs que je viens de doubler me reprennent assis sur mon caillou, bis repetita de l’hypoglycémie après La Fouly :). Je strappe mon doigt de pied, un tour, ça fait encore mal quand je le pose, 2 tours, encore mal, 3 tours, c’est bon. Je remets la chaussette, la chaussure et je repars à fond (enfin dans ma tête c’est à fond, pas en vrai ;). En bas de la descente, Benjamin m’attend pour les derniers kilomètres. Et la magie UTMB opère. Des bravos fusent de toutes parts, Kilian est arrivé il y a 21h mais tu as la sensation que la ville attendait ton arrivée à toi, comme celle des milliers d’autres finishers de la semaine. C’est fantastique, c’est fini, tu l’as fait ! 

 


171KM, 10000D+, 40h51, 973ème sur 1789 arrivants et 2627 partants. Parti plutôt derrière, j’ai repris presque 900 coureurs, je veux y voir le signe d’une course plutôt pas mal gérée malgré les erreurs sur l’alimentation. 

 

Si être au départ était une victoire, finir est un achèvement personnel majeur, la réalisation d’un rêve, je suis donc très heureux. Le vivre avec toute sa famille est encore plus extraordinaire. A tous je sais la chance de vous avoir. Et j’aime à retenir que le seul ravito où j’ai douté était celui où vous n’étiez pas. Sylvie, une mention particulière pour toi, je ne pourrais pas faire cela sans ton soutien. Se savoir suivi à distance est aussi d’une grande aide, et au vu du nombre de messages reçus pendant la course et lus avec tellement de plaisir après, vous étiez nombreux. Merci, vraiment ! Merci enfin à tous ceux qui rendent cela possible, en particulier les bénévoles, tous si sympas et bienveillants.



Best team ever ;)


Et après ?

Je ne suis pas sûr de vouloir refaire un jour l’UTMB ou un équivalent aussi long, pour la raison principale que c’est dans le côté « 1ère fois » que je puise la force mentale de finir. Il faudrait donc se trouver d’autres raisons pour recommencer. Le temps? Le classement? Cela me semble très très aléatoire et pas forcément une donnée objective sur ce type de course. Un autre trail? Oui dans l’absolu mais aucun ne me fait rêver comme l’UTMB. Il y a bien sûr la diagonale des fous, mais c’est plus dur, chaud et humide, les deux derniers points étant éliminatoires me concernant. Mais il y a bien une suite : Il y a 5 ans je me suis dit que j’aimerais réaliser 3 choses avant mes 50 ans, passer sous les 3 heures sur Marathon, finir l’UTMB, et… finir un Iron Man. Il en reste donc une. Mais rien de planifié encore, il faut que j’apprenne à nager et à faire du vélo ;).

 

Je ne réponds pas à la traditionnelle question du non-initié « Mais pourquoi tu fais ça? ». Ou plutôt je pense que si j’y réponds avec ce récit, c’est « vivre », comprenne qui pourra. 

 

Marc


Lundi, lendemain de fête

Clap de fin ... en vidéo

Suivi Livetrail de ma course.

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